Comprendre le Traumatisme : Définition, Types et Fonction Intelligente

Nous naissons dans un monde fragmenté. Le traumatisme fait partie de notre vie. Nous en avons toutes et tous fait l’expérience, sous des formes variées et à des échelles différentes. La manière dont nous le comprenons et le traitons influence considérablement la qualité de notre vie et notre impact dans la société, mais aussi en tant que société.

Cet article vise à clarifier la définition du traumatisme, à expliquer la différence entre trauma et traumatisme, à explorer les différents types de traumatismes, et à souligner que le traumatisme n’est pas un dysfonctionnement mais plutôt une réponse intelligente et nécessaire de notre organisme. En démystifiant ces concepts, j’aspire à offrir une perspective plus nuancée et bienveillante sur cette réaction naturelle et universelle.

Étymologie du mot traumatisme

L’étymologie grecque du mot « trauma » signifie blessure.

Définition du mot traumatisme

Le traumatisme peut être comparé à une plaie de la psyché. Une partie de cette blessure est à vif et extrêmement sensible, provoquant une douleur intense au moindre contact. L’autre partie de la blessure est dure et rigide, semblable à des tissus cicatriciels. On ne ressent rien lorsqu’on les touche. Ces tissus rigides sont protecteurs, mais parce qu’ils sont durs, ils peuvent entraver la croissance et le développement.

Le traumatisme n’est pas ce qui vous arrive, mais ce qui se passe en vous à la suite de ce qui vous est arrivé. Le traumatisme est cette cicatrice qui vous rend moins souple, plus rigide, moins sensible et plus défensif.

Dr Gabor MAtÉ

Le traumatisme de l’événement passé vit au présent en nous

Le traumatisme est une partie fragmentée de notre expérience qui se répète sans cesse. C’est une partie de nous figée dans le passé. Bessel Van Der Kolk définit le traumatisme comme « un événement qui submerge le système nerveux central, altérant la façon dont nous traitons et rappelons les souvenirs. Le traumatisme n’est pas l’histoire d’un événement passé, c’est l’empreinte actuelle de la douleur, de l’horreur et de la peur qui vivent à l’intérieur des personnes. »

L’impact du stress

Comme le dit Resmaa Menaken, le traumatisme peut être à la fois ce qui est trop, ce qui est arrivé trop tôt, trop vite, trop longtemps. Et aussi ce qui a manqué, alors que cela aurait dû se produire – comme de procurer un cadre sécurisant et digne à un enfant (petit ou grand).

Un niveau élevé de stress peut dépasser la capacité d’une personne à rester ancrée dans son expérience. Pour se protéger, le système nerveux se déconnecte ou se dissocie de la partie submergée. Ainsi, les symptômes apparaissent sous forme de réactions de fuite, de combat ou de figement dans le corps.

Lorsque le traumatisme n’est pas rapidement intégré après l’événement déclencheur, il reste stocké dans le système nerveux et entraîne des séquelles durables, affectant non seulement l’individu mais aussi la culture, la société et le monde.

Différence entre trauma et traumatisme

Anna Freud explique qu’il faut distinguer le trauma qui se déroule dans le réel et le traumatisme qui naît de la représentation de ce trauma.

Dans le contexte psychologique, le trauma se réfère à l’événement ou à l’expérience bouleversante qui provoque une perturbation émotionnelle ou psychologique. Par exemple, un accident de voiture, un acte de violence ou une catastrophe naturelle peuvent être considérés comme des traumas. Ce sont des événements spécifiques et souvent soudains qui causent un choc ou une blessure psychique.

Le terme « traumatisme » se réfère aux conséquences psychologiques durables et souvent complexes du trauma. C’est l’impact prolongé que l’événement traumatique a sur l’individu. Les symptômes tels que l’anxiété, les cauchemars, les flashbacks sont des manifestations du traumatisme. Il peut s’agir de la manière dont l’expérience traumatique est intégrée (ou non intégrée) dans la psyché de la personne, affectant son comportement, ses émotions et ses relations à long terme.

En résumé, « trauma » se réfère à l’événement perturbateur lui-même, tandis que « traumatisme » désigne les effets prolongés et les réponses psychologiques résultant de cet événement.

Ce n’est pas l’évènement lui-même mais sa réponse en nous

Thomas Hübl dit : « Le traumatisme n’est pas l’expérience que nous vivons et qui est accablante, douloureuse et surchargeante pour notre corps, notre système nerveux, notre expérience émotionnelle, notre expérience mentale. Mais le traumatisme décrit la réponse qui se produit en nous, dans une situation traumatisante. »

Le traumatisme fait référence un moment cristallisé de notre passé : que ce soit celui de notre enfance, de nos ancêtres, de notre culture ou même de l’histoire de l’humanité. Tout ce qui n’est pas soigné, intégré à notre expérience se répète. C’est comme une partie qui reste figée dans le temps, et qui ne peut pas recevoir de mise à jour.

Identifier le traumatisme

Il est plus aisé d’identifier l’impact d’un événement spécifique, – comme un accident de la route -, plutôt que ce qu’on a toujours et seulement connu. Nous n’avons alors pas d’autre référence. C’est ce que le Dr Gabor Maté appelle le mythe de la normalité, dans son livre référence « The myth of normal ». Ce à quoi nous sommes habitués n’est « normal », c’est ce que nous connaissons jusqu’à présent – c’est habituel. Et ce n’est pas forcément sain. Le premier pas vers l’intégration des traumatismes est de prendre conscience de cette énergie figée et délétère.

Les différents types de traumatisme

Il existe de nombreuses manières de classifier les traumatismes. En voici quelques unes :

Traumatisme de développement :

Le processus de l’attachement est fragile. Il requiert de la sensibilité et s’épanouit dans la relation. S’il y a des manquements quant aux besoins essentiels de l’enfant, cela peut générer de grandes douleurs.

Les blessures émotionnelles et psychologiques qui en résultent peuvent influencer profondément le développement de l’individu, sa manière de percevoir le monde et sa capacité à former des relations saines.

Traumatisme intergénérationnel :

La blessure se rapporte ici au bagage transmis de génération en génération. Nos ascendants ont pu vivre des situations absolument accablantes comme la guerre, le colonialisme, le génocide, l’oppression systématique ou des catastrophes naturelles. Si l’empreinte de ce qu’ils ont vécu n’a pu être traitée, ce bagage sera transmis aux générations suivantes.

Cela pourra influencer des schémas de comportement, les croyances, les émotions, le niveau de stress et même la physiologie des descendants. Des preuves ont été trouvées que les traumatismes peuvent être transmis entre générations par voie épigénétique. Cela signifie que les traumatismes subis par un ascendant, s’ils ne sont pas intégrés, peuvent affecter la façon dont les gènes sont exprimés.

Traumatisme collectif :

On parle de traumatisme collectif quand les situations poignantes mentionnées ci dessus n’ont pu être traitées par la mémoire collective. Cela peut alors avoir un impact profond, touchant l’architecture sociétale et peser sur des générations entières. Cette dynamique est présente dans la société actuelle.

Nous reparlerons sur ces vastes et cruciaux sujets dans d’autres articles, revenons pour l’instant sur l’image de la blessure :

Les deux parties de la blessure

La partie à vif de la blessure est semblable à ce qui en nous est activé par un déclencheur : quand on porte des traumatismes, un regard, un mot, une intonation peuvent nous bouleverser. Ce que nous ressentons peut sembler déconnecté de la situation actuelle : pourtant, un élément déclencheur dans le présent a réactivé une douleur du passé. Le système nerveux est surchargé en permanence par ces bagages du passé qui n’ont pas été traités. Il n’a plus de place et démarre au quart de tour.

La partie rigide de la blessure est comme la dissociation qui peut se produire en nous : nous ne sentons plus rien. La faculté de s’engourdir et d’agir en pilote automatique permet de continuer de fonctionner dans une situation donnée sans paniquer. C’est ce qui fait, par exemple, que quelqu’un.e pourra continuer de secourir des personnes dans une situation de guerre.

Le traumatisme n’est pas un dysfonctionnement

Aujourd’hui, on entend souvent parler fort négativement du traumatisme, comme de quelque chose dont il faudrait se débarrasser. Pourtant, c’est un processus très intelligent et nécessaire qui a été développé au cours de l’évolution humaine : il peut sauver notre vie et celle de ceux qui nous entourent, et il a sauvé celle de nos ancêtres.

Une fonction intelligente et nécessaire

Le traumatisme n’est pas un défaut ou une faiblesse. C’est un outil très efficace de sécurité et de survie.

Resmaa Menakem

Dans des moments de bouleversement intense, nous pouvons séparer une partie de notre expérience intérieure en nous fermant, en nous engourdissant ou en nous dissociant afin de mieux survivre. Cette partie séparée contient tout le stress, la douleur émotionnelle et physique – tout ce « trop » dont l’organisme devait alors se protéger pour assurer sa survie.

Les séquelles de cette fragmentation

Après l’événement ou la série d’événements, nous portons les séquelles de cette fragmentation en nous. Cette partie fragmentée qui contient toute l’intensité du stress, et de la douleur physique et émotionnelle est toujours là. Nous allons alors nous déconnecter de notre conscience corporelle et de nos émotions, soit nous anesthésiant pour ne pas avoir trop mal, soit en nous repliant. Cette partie fragmentée est là, mais elle est muette. Elle hurle, mais sans bruit.

Et les deux parties de la blessure vont se retrouver dans notre expérience et être activées lors de moments déclencheurs de traumatisme non intégré : nous pouvons nous sentir soit déconnecté.e.s, pétrifié.e.s, anesthésié.e.s, soit hyper activé.e.s émotionnellement parlant ou concernant notre niveau de stress. Oscillant entre le trop engourdi.e.s ou suractivé.e.s, nous ne pouvons alors pas trouver la voie du milieu pour répondre adéquatement à la situation. Nous réagissons à partir de notre passé non intégré.

Conclusion

En conclusion, le traumatisme, bien que souvent perçu comme un dysfonctionnement, est en réalité une réponse intelligente et nécessaire du corps face à des événements stressants ou bouleversants. Comprendre ce qu’est le traumatisme permet de mieux appréhender cette réaction naturelle et de reconnaître son rôle crucial dans notre survie et notre adaptation. En cultivant cette compréhension, nous pouvons aborder le traumatisme avec plus de compassion et de stratégies adaptées pour favoriser la guérison et le bien-être à long terme. Nous pouvons nourrir notre curiosité

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